Oui, nous sommes tous des gilets jaunes. La paupérisation de millions de personnes face à l’accumulation des richesses des autres est insupportable pour tous.
Mai 68 ? Révolution ? Espoir ou désespoir ? Pour légitime qu’elle soit, la révolte des gilets jaunes n’en demeure pas moins une réaction. La réaction de survie de millions de personnes qui ont compris qu’ils faisaient définitivement partie des sacrifiés. Car petit à petit, information après information, témoignage après témoignage, se matérialise l’invraisemblable réalité : la fin du monde pourrait bien avoir lieu. Comment sortir du sarcasme, du refus, comment émerger de toutes les sortes de déni que nous avons décrit, comment réagir à une telle nouvelle ? En plus d’un sentiment profond d’injustice face à une situation vécue, le mouvement des gilets jaunes matérialise dans la colère, la peur, l’indignation, la tristesse, la prise de conscience douloureuse de toute une population.
Malheureusement, aucune revendication politique adressée à un pouvoir local, national, européen ou global n’a de sens dans le contexte actuel d’une phase finale du capitalisme mondial, pas plus celle des marcheurs pour le climat que celle des gilets jaunes. Au contraire, elles abondent au moulin de la confusion et de l’indistinction que nous avons déjà observées et analysées sur notre territoire. Certes, ce constat est difficile à admettre.
Du coup, chacun y va de son commentaire, de son analyse, de sa petite tentative de récupération, chacun utilise son petit réseau ou son petit pouvoir pour mêler sa voix au concert inaudible de la prise de conscience collective qui murmure à notre oreille : Non, rien ne sera plus jamais comme avant.
Alors que faire ?
Nous refusons le rôle de commentateur, de juge des élégances. Nous tentons d’extraire de tout ce fatras une réalité utile à agir et à être, maintenant, sans état d’âme.
L’horizon de la transition écologique, de la croissance verte, du « développement-durable.gouv.fr », est celui de la perpétuation du système, celui d’une course éperdue vers un transhumaniste technologique guidé par l’intérêt supérieur de l’argent ; l’humanité entre les mains du professeur foldingue.
Le seul avenir vivable, qui corresponde à des valeurs humaines et éthiques supportables est celui de la décroissance, il faut nommer un chat, un chat. C’est une rupture : Non pas l’accumulation mais le partage, non pas l’expansion mais la retenue, non pas l’avoir mais l’être. De cet avenir à bâtir, nous savons seulement qu’il implique pour chacun une autre manière d’être au monde, celle défendue par les philosophes de l’épicurisme depuis des siècles.
Nos actes, nos révoltes, nos revendications, nos indignations, nos combats, nos amitiés, nos solidarités, en rouge, en jaune, en noir ou en vert, ne peuvent plus s’inscrire que dans l’une ou l’autre de ces perspectives.
Le prochain « Landemains » devait être consacré aux solutions contre « la fin du monde ». Mais tout est prétentieux, tout est vain tant que ce n’est que parole ; même les déclarations d’amour.
Les gilets jaunes sont le phénomène exemplaire d’une révolution qui agira en profondeur sur notre manière d’être ensemble et notre manière d’être au monde. Cette révolution n’est pas une utopie ni un horizon lointain. C’est déjà une réalité à vivre ensemble ici, dans les Landes.
Vivre la décroissance, c’est préserver ensemble ce qu’il reste de nature autour de nous, restaurer la biodiversité où elle peut l’être, défendre et partager l’identité de notre territoire et celle de ceux qui ont construit son paysage et sa culture, partager ensemble une agriculture proche et saine, bâtir les solidarités nouvelles pour défendre nos valeurs, nos créations et nos dignités, expérimenter l’amitié, la loyauté et le partage comme moteur de croissance du bien commun.
Ce chemin, personne ne sait où il mène; mais chacun sait en son for intérieur à qui et à quoi il s’oppose, et de quel matériau humain il se construit.
Le tribunal administratif de Pau vient de donner raison aux opposants en suspendant l’arrêté préfectoral. Le chantier de dragage du lac d’Hossegor est donc stoppé suite à la requête de la SEPANSO soutenue par les Amis de la Terre.
Ce que nous apprend une fois de plus cette victoire fondamentale, c’est qu’il est utile maintenant plus que jamais de se battre pour la préservation des espaces et la gestion écologique des sites et des écosystèmes contre ceux qui n’en voient que l’avantage économique immédiat.
Ce que nous montre le mouvement des gilets jaunes, c’est l’exemple de la solidarité, c’est la force de l’acte. Au lieu de 30 pages de théories, de critiques et d’analyses, nous vous proposons donc une invitation concrète :
Le journal « Landemains » de 2019 est à la disposition de tous ceux qui voudront donner corps à cette idée de vivre ici et maintenant la révolution de la décroissance, idée commune à tous nos corps. Ce « Landemains » sera un acte.
Nous le mettons à la disposition de tous. Il sera distribué dans tous les kiosques des Landes à plus de 3000 exemplaires. Il n’aura pour tout éditorial que le texte que vous venez de lire. Le reste sera, sans filtre ni censure, la juxtaposition de tous vos textes et déclarations utiles à bâtir le socle d’une révolution douce à vivre ensemble.
Merci de vos réponses, de vos contributions, de vos textes, de vos engagements. Ce journal est désormais le vôtre. Sinon, il ne sera pas.
« Nous sommes paumés au milieu de centaines d’aberrations, et tout cela conditionne nos résignations. » Dit Batlik dans l’une de ses chansons.
Nous avons à bâtir une amitié active, incarnée, efficace, une amitié qui conditionne nos déterminations.
Meilleurs vœux pour 2019.
Pour l’arrêt du chantier de dragage du lac d’Hossegor et l’ouverture d’une concertation :
Signez la pétition