Monsieur le Préfet
« Ce que je vous dis trois fois est vrai » dit Lewis Carroll dès la première page de la Chasse au Snark.
Il ne nous appartient pas de connaître, mais seulement de constater et dénoncer, les raisons de « l’arrangement » qui existe entre les services administratifs et les responsables politiques, ni pourquoi le commissaire enquêteur se sent obligé de reprendre à son compte les mensonges sur lesquels reposent tout ce projet.
Monsieur Labatut, directeur du SIVOM, dans un élan de sincérité au cours d’un entretien l’été dernier au bord du lac, se confiait en ces termes. « Nous ne sommes pas dans une concertation… La décision a été prise politiquement et je ne peux qu’essayer de minimiser l’ampleur des dragages (ce qu’il a fait)… On a les politiques qu’on a… Ce n’est pas la fin du monde; dans dix ans, il faut l’espérer, la nature aura repris ses droits et restauré les dommages causés comme elle l’a fait en 92.«
On comprend donc pourquoi il répète inlassablement, pour toute réponse aux contributions des associations et du public, les faux prétextes, les mensonges, les déclarations d’intentions, le flot des poncifs technocratiques qui président à ce projet dans l’espoir qu’ils se transforment en vérité.
- « Ostréiculteurs : Nécessité à marée basse d’un tirant d’eau de 30 cm pour accéder aux parcs à l’aide de leur embarcation de type plate (faible tirant d’eau) ainsi qu’en tracteur; » (la phrase elle-même contient sa contradiction, creuser pour passer en barge et en tracteur ? les ostréiculteurs se rendent actuellement sans problème sur les parcs et l’aménagement ponctuel d’un passage n’a rien à voir avec le dragage proposé)
- « Communes d’Hossegor, de Capbreton et de Seignosse : Amélioration du phénomène de chasse du lac (faux et prouvé), permettant ainsi une amélioration de la qualité des eaux du lac (faux et prouvé), en recréant un chenal d’accès entre le Sud et le Nord;«
- « Club Nautique : Besoin d’un tirant d’eau de 60 cm pour permettre la navigation des embarcations sur une plus grande surface de navigation à marée basse. » (Toutes les parties mises en eau sont colonisées par les algues invasives – l’ulve notamment qui prolifère à cause de l’eutrophisation des eaux du lac – qui interdisent et compromettent la navigation, la baignade, et la fréquentation du lac par les familles. Des études sur ce sujet sont entreprises par la faculté de Bordeaux. Un tiers environ de la surface dédiée à la navigation à marée basse suite aux dragages des années 70 est colonisée par ces algues)
A partir de l’évidence d’un tel constat, demander une autorisation de destruction d’espèces protégées, détruire définitivement l’habitat des mouettes pour restaurer un état cible de 1992 qui fut la période la plus noire du lac, époque où il était déserté du public, envasé, est une absurdité sans nom. Tout ça au nom de la biodiversité ?
Il existe une solution toute simple et très peu coûteuse: considérer l’état actuel comme état cible, entretenir le niveau présent par des dragages doux qui n’entraîneront ni destruction, ni bouleversement du milieu. Mais il n’est pas permis de le dire.
Vous percevez dans ces propos l’indignation et la colère. Cette indignation naît également du mépris affiché par le Président du SIVOM et le Maire d’Hossegor à l’égard des intervenants de ces prétendues concertations, leur stipulant d’emblée qu’ils n’étaient pas là pour alimenter une réflexion ou construire un projet mais bien pour réaliser et agrémenter le projet décidé par le SIVOM. La réunion ubuesque durant laquelle les intervenants, DREAL, Biotope, les élus, les acteurs économiques, déterminés à obéir aux ordres de leur député et président, ont décidé, au risque de condamner les mouettes et l’avifaune, d’éradiquer les bancs de sables blonds pour les remplacer par des reposoirs en plastique est un traumatisme définitif à l’intelligence.
Ce que, à cause de ce climat détestable installé par quelques élus, vous ne pouvez entendre de la bouche des associations et des citoyens, des 4400 signataires de la pétition en 15 jours, peut-être l’entendrez-vous de celle de Monsieur Philippe Saint-Marc, premier président de la MIACA, et qui n’hésite pas, lui, à employer le mot proscrit de nature pour qualifier l’environnement exceptionnel des Landes que ce projet va contribuer à détruire. (Vidéo : http://www.littoral-aquitain.fr/interview-de-philippe-saint-marc-1er-président-de-la-miaca)
Merci de consacrer 8 minutes de votre temps précieux pour comprendre l’urgence qu’il y a à remettre la réalité de l’aménagement de notre territoire en accord avec l’idée humaniste qui a présidé à ces projets. La « Californisation » à l’oeuvre est un dévoiement complet de cette idée.
Le prétendu confort d’un club nautique vaut-il que l’on condamne l’habitat de mouettes protégées ? N’est-ce plutôt pas la présence de ces mouettes qui garantit la pérennité du club nautique ? Quel message passe une société qui se résout à détruire l’habitat historique et naturel de mouettes qu’elle a elle-même décidé de protéger pour satisfaire à une pression économique et électorale immédiate et non argumentée, qui prend le risque inconsidéré de remblayer avec du sable douteux et pollué une plage fréquentée par un public nombreux ?
Monsieur le Préfet, n’autorisez pas ces dragages coûteux, risqués et inutiles, ne permettez pas ces destructions insensées et injustifiées.
Restant à votre disposition, avec ma barque, pour vous aider à appréhender la réalité de ce lac telle qu’elle est, je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à l’expression de mes plus respectueuses salutations.